Lola, du haut de ses 8 ans, avec son visage tout rond et son regard espiègle, avance dans la rue à grands pas. Elle revient de l’école, avec sur son dos, son cartable sur lequel est imprimé un arc-en-ciel traversant un miroir. Elle avance un pas décidé, sans voir ce pauvre chat dont elle a presque écrasé la queue. Elle marche vite effleurant de près les lampadaires qui commencent tout juste à s’allumer. C’est la fin de la journée et la nuit vient très tôt en cette période d’hiver, malgré son ciel étoilé et son croissant de lune.
Lola n’a qu’une obsession en tête, « qu’y a-t-il derrière cette porte ? »
À son réveil, ce matin, elle a entendu sa maman chercher une clé. Il paraît qu’elle permet d’accéder au grenier. Sa mère a même dit « vouloir faire du rangement ». Mais qu’est-ce qu’il y a dans ce grenier ? Pourquoi Lola n’en avait jamais entendu parler ? C’est vrai, il y a cette porte, au fond du couloir du dernier étage, qui est toujours fermée. Lola ne l’a jamais vue ouverte et ne s’est même jamais demandé ce qu’il y avait derrière.
À peine arrivée chez elle, Lola jette par terre cartable et blouson. Elle quitte au milieu du palier ses chaussures et court vers le tiroir de ce vieux buffet en chêne. Elle sait qu’elle n’a pas beaucoup de temps, ses parents reviennent du travail dans une heure. Le tiroir est lourd, mais elle aperçoit la clé. C’est une grosse clé - comme celle des châteaux, - à laquelle est accrochée une étiquette où il est inscrit d’une encre bleue à moitié effacée : « grenier ». Vite, Lola, la saisit et court au deuxième étage de cette ancienne maison bourgeoise du XIXe siècle. Toute chancelante, elle engage cette grande clé dans la serrure, la fait pivoter et tourne la poignée ronde de la porte.
Lola est tout excitée, que va-t-elle découvrir ?
Elle pénètre dans une grande pièce, sombre. Tout le long des murs, il y a des étagères sur lesquelles sont empilés des tas de cartons de couleurs différentes. Des inscriptions sont notées dessus, mais Lola n’arrive pas à les lire, il y a trop d’obscurité. Au centre de la pièce, une lumière sortant d’une faitière illumine un grand miroir et un coffre. Le miroir est orné d’un cadre en bois sur lequel sont sculptés des visages. À côté se dresse un grand coffre en bois, comme dans les histoires de chasse au trésor. Lola chancelante, intriguée et hésitante s’approche de ces objets. Tout paraît étrange et fantastique à la fois.
Elle s’accroupit devant le coffre et décide de l’ouvrir. Surprise ! elle y découvre à l’intérieur des masques blancs, des masques neutres, sans expression, sans fantaisie. Lola ne comprend pas, elle ressent de l’inquiétude. Mais la curiosité plus forte que sa peur, l’invite à se saisir d’un des masques.
Tout en l’approchant de son visage, elle ressent comme une envie de pleurer. Une fois le masque posé sur son visage, elle se retourne face au miroir, eh là ! elle découvre un visage exprimant la peur. Effrayée, elle retire d’un mouvement brusque le masque et le dépose à côté du coffre. Son cœur bat à cent à l’heure.
Troublée, d’une main tremblante elle saisit un second masque. Comme pour le précédent, elle ressent en elle de drôle de sensation, comme une sorte d’excitation avant de découvrir un cadeau. Dès qu’elle met le masque, elle se tourne à nouveau en direction du miroir, et stupéfaction ! Elle découvre un visage exprimant la surprise, l’étonnement.
Plus sereine, elle pose délicatement ce second masque à côté du premier. Et voici que Lola essaye masque après masque et découvre une multitude d’émotions : la joie, la tendresse, l’amour, la colère, la honte, etc.
Tellement captivée par sa découverte Lola n’entend pas sa mère arriver :
- Tu les as trouvés ! dit-elle. C’est que tu es prête alors.
Lola se retourne dans un soubresaut
- Prête ? Prête pour quoi ?
Comprends-tu ce que tu viens de découvrir ?
- Ce sont des masques d’émotions. Des masques magiques ? C’est ce qu’on appelle des Kodiaks ?
- Oui, mais as-tu une idée à quoi ils servent ?
- Non !
- Ces masques permettent à la gardienne des émotions d’aider les enfants qui ne comprennent pas ce qu’ils vivent…
- La gardienne des émotions ? C’est qui ?
- Eh bien ! Ma petite Lola chérie, maintenant la gardienne c’est toi.
- Moi ? Mais je ne sais pas…
- Non, tu ne sais pas encore comment t’en servir. Mais tu vas apprendre. Maintenant, chaque fois qu’un enfant ressent des émotions en lui, mais qu’il n’arrive pas à les comprendre, tu seras là pour l’aider.
- Je ne comprends pas ?
- Eh bien ! pour exemple, regarde le miroir.
Lola se retourne et découvre dans le miroir une petite fille dans un lit d’hôpital. Sa mère reprend :
- Tu vois cette petite fille, elle est malade et à l’hôpital.
- La pauvre !
- Oui, la pauvre. Aujourd’hui elle a peur, très peur, mais elle n’arrive pas à l’exprimer. Elle ne comprend pas ce qu’il lui arrive. Ses parents sont auprès d’elle, mais ils ne savent pas quoi faire, quoi lui dire. Ils ont tous les trois très peur.
- Oui, et alors ?
- Eh bien toi, avec les masques tu vas les aider à exprimer leurs émotions, comme leur tendresse, leur amour, leur courage pour que cette famille arrive à surmonter cette épreuve.
- Mais comment est-ce que je vais faire ? demande Lola.
- Eh bien ! c’est là que tu vas apprendre la magie des émotions ma petite gardienne.
Isabelle THEROND
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