Le paysage commence à se napper de son bel habit d'hiver. Les chênes soyeux, forces de la nature, ont perdu leurs feuilles et leurs cupules écailleuses et épineuses. Sous ce parterre de couleurs : jaune, marron, vert, un de ces petits glands s’enveloppe dans les feuilles de ces immenses chênes.
Ce paysage, d’arbres dénudés sous fond de ciel gris cendré, évoque le repos, que la blancheur de la neige viendra fixer pour un laps de temps.
C’est ce paysage que ce nouveau-né, une fois sorti de la chair de sa mère, découvre par la fenêtre de sa chambre d’hôpital. Enveloppé par les bras nourriciers et le regard émerveillé de ses parents, petit homme découvre la chaleur et l’amour.
Innocence et émerveillement sont les aliments naturels de leur développement.
Petit gland par la chaleur de la terre, des feuilles et de l’épais tapis neigeux, commence sa métamorphose naturelle.
Petit homme grâce à l’amour et à la protection de ses parents commence son développement personnel.
Tous deux insouciants des dangers qui les entourent rêvent d’être grands.
Et pourtant Petit Gland découvre la peur lorsqu’il entend ce gros sanglier retourner le sol près de lui, affamé par la rudesse de l’hiver.
Petit homme, aussi découvre la brutalité de son environnement : les pleurs, les cris, les bruits qui l’entourent et qu’il ne comprend pas.
Le temps passe, Petit Gland devient ce jeune arbre couvert d’une écorce lisse et claire. Il découvre d’autres dangers comme ces chevreuils qui lui mangent ses jeunes feuilles que le printemps lui a données.
Petit homme devient ce jeune homme, plein de rêves, mais confronté à toute la violence qui l’entoure et les doutes qui l’envahissent.
Et puis est arrivé un événement, une catastrophe. Sans pouvoir agir, Petit Gland est spectateur de la décapitation de tous ces merveilleux et gigantesques chênes. Il ne reste autour de lui que les jeunes plants qui pleurent silencieusement.
Pour sa part, Petit homme est confronté à la perte de ses parents. La mort est arrivée, les a emmenés, laissant seul Petit homme avec ses larmes.
Petit gland et Petit homme sont tous les deux envahis par le vide. Cette disparition de leurs proches est vécue comme la perte du plus beau bijou du monde. Joyau qui ne scintillera plus jamais à leur côté.
Envahis par la tristesse, la culpabilité de ne pas avoir pu sauver leurs protecteurs, tous deux recherchent le sens de la vie et leur identité. Pourquoi vivre ? Qui sommes-nous ?
Et puis grandissant, Petit Gland reconnaît qu’il est utile à beaucoup d’animaux de ce monde : écureuils, chevreuils, ours, pigeons bisets etc.
Petit homme, pour sa part, découvre sa passion pour la nature, et s’engage pour sa protection.
Tous deux se métamorphosent en deux êtres majestueux, droits, audacieux, courageux. Refusant la concurrence, ils deviennent des protecteurs portés par l’amour et la solidarité.
Et c’est lors de cet été orageux que Grand Homme et Grand Chêne se rencontrent.
Sous les éclairs et le tonnerre, tous deux partagent un instant de complète communion.
Isabelle THEROND